“Je suis parti, je crois on peut le dire, un peu la fleur au fusil, pensant qu’en tant que journaliste, quand on s’attaquait à un tel fait de société, on ne pouvait qu’avoir un grand nombre de personnes derrière soi, peut-être pas tout le monde, mais en tout cas la majorité. C’est beaucoup plus compliqué que ça… Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les sectes n’ont pas forcément mauvaise presse. Il y a dans la société, dans les médias, chez les sociologues des religions, dans bien d’autres secteurs encore, des gens qui défendent farouchement la liberté qu’ils disent « religieuse » et que j’ai constaté être la liberté de manipuler.”
Les Nouvelles croyances, France 3 Ouest, 19 novembre 2003
Quand je repense à cette déclaration que j’effectuais sur un plateau de télévision nantais, voici quatre ans passés (j’enterrais alors ma vie de petit reporter), je me trouve des pudeurs de chaisière…
Évidemment, à cette époque, il m’aurait été difficile de déclarer à la face du monde que mes archives regorgeaient d’aimables sauf-conduits et autres témoignages de moralités délivrés par quelque haut-fonctionnaire, quelque politique, quelque autorité morale, en faveur des pires crapuleries sectaires… Que dans ma bonne ville, de bonnes gens arrêtaient ma mère dans la rue : “Qu’est-ce ton fils est allé fouiller la merde ?…” Qu’en cette même ville du Ponant, le sympathique fonctionnaire de police en charge du dossier le conservait en une deshérence rimant avec complaisance, n’oubliant jamais, à l’inverse – et avec quelle inspiration ! –, de flétrir qui, ici, s’opposait aux crapuleries sectaires précitées… Qu’à Brest, toujours, l’intervention fiévreuse d’un petit notable dûment encarté à l’Ordre du Temple Solaire (74 morts à ce jour), suffit à me faire tricard dans deux librairies : livre indisponible dans l’une, conférence annulée dans l’autre. (Merci à La Cité d’avoir, elle, résisté.)
Non, vraiment, à cette époque, il m’aurait été difficile de déclarer tout cela. Aussi, il me faut aujourd’hui remercier Mme Emmanuelle Mignon, directrice du cabinet du président dela République, M. Nicolas Sarkozy. Au risque de la méthaphore animalière, il est en effet permi d’estimer que, grâce à sa délicatesse d’éléphant dans un magasin de porcelaine, le loup est enfin sorti du bois…