Introview

Brest, 1965. Ce sera trop tard pour Woodstock – tant pis pour l’amour dans la boue. Un peu juste pour l’épingle à nourrice dans la joue – pourtant seyant. 20 ans au cœur des “années frics”… Face au néant, je vis la tête en arrière. De facto, fruit des amours contre nature du flower power et du punk. Un peu décalé, sûrement. La suite à l’avenant. (“Me serais bien vu rock star. Ne sachant pas chanter, suis devenu journaliste.” Longtemps, je raconterai ça. La dérision pour toute pudeur.) Je lis Philippe Djian. Éblouissement. Entrée en littérature. La nuit, je rédige mon premier roman, mes premières nouvelles. Jardinage et p’tit secret. Surtout ne pas importuner un éditeur avec ça. Réflexion sur l’écrit. (Elle durera quinze ans.) Le journalisme pour ersatz. Je rame à la radio. Galère en petite presse. Free lance tendance investigation.

1995 : affaire du Temple Solaire. Déjà cinquante-trois morts. Dix-sept adeptes de plus prennent un aller-simple pour Sirius. Je viens de cibler la secte dans un livre-enquête. Soulignant qu’elle n’a pas fini de nuire… Alors la cour des grands. Médias nationaux. Je pige à l’écrit, à l’audiovisuel. Au passage, je signe sept essais. Et me fixe en des publications choisies : Charlie Hebdo, Le Vrai Papier Journal… Fin du premier acte.

Spécialiste des sujets qui fâchent, je me fais tant d’amis… De la nature humaine goûtant plus qu’à mon tour l’intriguant panorama. Il est un éditeur pour s’en apercevoir. Et m’interroger. Aurais-je l’ambition de la fiction ? Cette fois, il n’est plus temps de cultiver son jardin. Ça s’appellera Hermines et idées noires (Terre de Brume, 2000). Roman noir politique. Néo-polar. Expérience du journaliste d’investigation alimentant la plume de l’écrivain. Enfin face à moi-même, réaliser : le deuxième acte a commencé.

Le monde s’effritait selon des règles depuis longtemps découvertes. Et le journalisme, désormais, m’emmerdait. Alors je menais double vie. Tirant la gueule à l’investigation le jour, bandant à mort pour la littérature la nuit. En tant que gratte-papier, je désirais qu’on me foute la paix. En tant qu’écrivain, je voulais : que Tika soit ma muse – soit ne m’amuse pas, mais qu’elle soit là, près de moi ; que les Mickey 3D me rendent jaloux par la beauté de leurs textes – j’ai toujours envié les musiciens ; que James Ellroy jure – la vie de sa mère ! – revenir un de ces quatre au style incisif et glacial de White Jazz. Tout ça n’était pas gagné*.

*James Ellroy, Mickey 3D, et une baise… le même soir ! in Hématomes Crochus n°12, avril 2002

Rien n’est perdu.

Je suis écrivain.

Brest, janvier 2004