Écrivain du charbon (2)

Lourdes, manifestation littéraire… je repère l’un de mes éditeurs au bar d’un grand hôtel… à son invite, je vais pour m’asseoir ; les doctes écrivains qui lui faisaient tablée s’envolent alors comme moineaux… cinq jours plus tard, le temps enfin venu de prendre la parole, sonne un téléphone : “Ici la bagagerie, les chambres doivent être libérées avant midi…” la moitié de mon maigre auditoire s’envole comme moineaux… (Épouvantable épouvantail !… ne comprends-tu donc pas ?)

À Bordeaux, l’hôtel est un claque… je menace de remonter dans le train ; on me reloge… le soir, au premier rang de plus maigre auditoire encore, l’un des organisateurs jacasse avec son voisin ; je ne parle pas depuis trente minutes qu’il ronfle la tête dans les mains… il se réveille au débat pour souligner la vacuité de ce qu’il n’a daigné écouter… à la sortie, il entreprend – même refrain ! – celui qui m’édita sur ce coup-là… dans le taxi conduisant au Kyriade, il me fait part – “on a dû vous le dire souvent…” – de la nullité crasse que lui inspire le titre de l’ouvrage que je viens de présenter… au premier arrêt, il descend sans saluer… (L’épouvantail se marre : gras bourgeois bordelais confit de suffisance… tout en toi ne bat que breloque !)

Au p’tit salon perdu (non je ne me souviens plus…), accoudé au zinc de la salle polyvalente, un écrivain des Amériques m’aborde avec la simplicité coutumière “de l’autre côté de la flaque d’eau”… il m’offre le café que je viens de commander, indûment servi, à lui, l’invité VIP… dans la minute qui suit, avec le cynisme coutumier à ce pays qui, “des États-Unis à tous les défauts mais pas le courage d’en prendre le drapeau” [Jean Dead Wolf Leclerc], il place les expressions “adaptation cinématographique”, “Paris-New-York” et “millions de dollars”… (Je m’envole comme moineau…)

Au Marché de Noël, les enfants qui passent veulent savoir comment il se peut que la “Dame Blanche” fût en noir… on tache les livres avec du café, du vin chaud… à l’évocation de la maison d’édition, de la collection, certains s’éloignent en ricanant, persuadés d’avoir affaire à quelque camelot “faisant” un lot… Terminus Brocéliande est “nul” ou “excellent”, c’est selon… on vend des livres à qui jamais n’en lit… on veut encore y croire…

Ma vie d’“écrivain du charbon” (cf. 20 JANVIER 2008)…Écrivain du charbon

A propos Renaud Marhic

Journaliste indépendant, Renaud MARHIC a collaboré à des publications choisies (Charlie Hebdo, Le Vrai Papier Journal, etc.). Essayiste, romancier, auteur jeunesse, il a publié une vingtaine d’ouvrages chez divers éditeurs. Grand amateur de récits folkloriques et légendaires – pour ce qu’ils révèlent de l’humain –, Renaud MARHIC vit en Bretagne. Devenu le “Petit Reporter de l’Imaginaire”, sa série Les Lutins Urbains met à l’honneur un “merveilleux merveilleusement incorrect”, invitant le jeune lecteur à une réflexion sur quelques thèmes universels, sans moralisme, en tout humanisme.
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