La servitude volontaire, toujours

Et puis la pandémie surlignant les rouages du nouveau monde…

Penser à La Boétie. Relire le philosophe Serge Carfantan s’inspirant, en 2007, de son aîné Günther Anders, pour un texte à la façon d’Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes :

Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.

L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.

Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels.

A propos Renaud Marhic

Journaliste indépendant, Renaud MARHIC a collaboré à des publications choisies (Charlie Hebdo, Le Vrai Papier Journal, etc.). Essayiste, romancier, auteur jeunesse, il a publié une vingtaine d’ouvrages chez divers éditeurs. Grand amateur de récits folkloriques et légendaires – pour ce qu’ils révèlent de l’humain –, Renaud MARHIC vit en Bretagne. Devenu le “Petit Reporter de l’Imaginaire”, sa série Les Lutins Urbains met à l’honneur un “merveilleux merveilleusement incorrect”, invitant le jeune lecteur à une réflexion sur quelques thèmes universels, sans moralisme, en tout humanisme.
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