Enfants, nous inventions des monstres. Abreuvés de comic-strips, nous aimions à les barder d’écailles, de cornes, et de fumerolles. Tout à nos manipulations démiurgiques, nous n’avons pas vu venir des mutants d’une autre trempe. Alors ils sont arrivés, les ARTISTES SANS ARTS, zélateurs terrible de la LITTÉRATURE SANS ESTOMAC… Puisque voici venu les temps de SODOME ET GRAMMAIRE, n’ayons plus peur de nommer ce qui doit l’être. Osons. Oui, osons l’ESCHATOLOGIE LITTÉRAIRE…
Minus Exodus [mes Lutins, le retour]
Le 21 juillet dernier (avec l’aide du Monstre du Lac Champlain et d’un bon petit diable, mais c’est une autre histoire…) mes Lutins ont recouvré la liberté. L’opération “Minus exodus” s’est parfaitement déroulée.
L’éditeur mauvais payeur (cf. 27 AOÛT 2008) dans l’incapacité d’acquitter ses créances, les livres de son ex-catalogue sont devenus propriétés de leurs auteurs.
Ainsi me reviennent mes Lutins en milieu urbain, mes Lutins à la mode de Bretagne, et mon Petit Bêtisier Féerique.
Pour qui ne l’aurait pas compris, ils rigolent, mes Lutins, oui, ils rigolent bien…
Manifester (2)
Manifester – seul – parmi 350 000.
Chercher en vain l’autocollant qui dit tout.
(Se le voir offrir, plus tard, au Salon du Livre du Mans.)
Manifester
Manifester – seul – parmi 15 000.
Avoir froid – marcher vite pour se réchauffer.
Se retrouver en tête de cortège, sous les banderoles CFDT.
Voir jaune au milieu de l’orange.
S’éclipser.
Écrivain du charbon (2)
Lourdes, manifestation littéraire… je repère l’un de mes éditeurs au bar d’un grand hôtel… à son invite, je vais pour m’asseoir ; les doctes écrivains qui lui faisaient tablée s’envolent alors comme moineaux… cinq jours plus tard, le temps enfin venu de prendre la parole, sonne un téléphone : “Ici la bagagerie, les chambres doivent être libérées avant midi…” la moitié de mon maigre auditoire s’envole comme moineaux… (Épouvantable épouvantail !… ne comprends-tu donc pas ?)
À Bordeaux, l’hôtel est un claque… je menace de remonter dans le train ; on me reloge… le soir, au premier rang de plus maigre auditoire encore, l’un des organisateurs jacasse avec son voisin ; je ne parle pas depuis trente minutes qu’il ronfle la tête dans les mains… il se réveille au débat pour souligner la vacuité de ce qu’il n’a daigné écouter… à la sortie, il entreprend – même refrain ! – celui qui m’édita sur ce coup-là… dans le taxi conduisant au Kyriade, il me fait part – “on a dû vous le dire souvent…” – de la nullité crasse que lui inspire le titre de l’ouvrage que je viens de présenter… au premier arrêt, il descend sans saluer… (L’épouvantail se marre : gras bourgeois bordelais confit de suffisance… tout en toi ne bat que breloque !)
Au p’tit salon perdu (non je ne me souviens plus…), accoudé au zinc de la salle polyvalente, un écrivain des Amériques m’aborde avec la simplicité coutumière “de l’autre côté de la flaque d’eau”… il m’offre le café que je viens de commander, indûment servi, à lui, l’invité VIP… dans la minute qui suit, avec le cynisme coutumier à ce pays qui, “des États-Unis à tous les défauts mais pas le courage d’en prendre le drapeau” [Jean Dead Wolf Leclerc], il place les expressions “adaptation cinématographique”, “Paris-New-York” et “millions de dollars”… (Je m’envole comme moineau…)
Au Marché de Noël, les enfants qui passent veulent savoir comment il se peut que la “Dame Blanche” fût en noir… on tache les livres avec du café, du vin chaud… à l’évocation de la maison d’édition, de la collection, certains s’éloignent en ricanant, persuadés d’avoir affaire à quelque camelot “faisant” un lot… Terminus Brocéliande est “nul” ou “excellent”, c’est selon… on vend des livres à qui jamais n’en lit… on veut encore y croire…
Ma vie d’“écrivain du charbon” (cf. 20 JANVIER 2008)…
Polars&Grimoires
L’éditeur mauvais payeur (cf. 27 AOÛT 2008) liquidé comme il se doit, “Polar Grimoire” (cf. 17 AVRIL 2007) devient Polars&Grimoires, “une marque déposée de Renaud Marhic”.
Des enquêtes, des intrigues, prenant pour base le LÉGENDAIRE BRETON et, à sa suite, le LÉGENDAIRE DU MONDE… La collection POLARS&GRIMOIRES a vocation à publier des textes contemporains mettant en scène l’humanité confrontée aux LOCATAIRES DE SON IMAGINAIRE : des Korrigans à la Bête du Gévaudan… de Merlin à l’Ankou… de la Fée Morgane au Meneur de loups… POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE !
Dans l’immédiat… Réédition des deux premiers titres de la collection : Terminus Brocéliande (Renaud Marhic) et Ankou, lève-toi (Frédérick Houdaer), “nouvelles éditions 2008” (corrigées et remaquettées). Parution, surtout, de La Dame Blanche était en noir (Michel Brosseau), inédit, et troisième opus Polars&Grimoires.
L’aventure, donc, continue…
Devant Saint-Exupery et “Les Bidochons” réunis
Les succès que l’on peut… Celui-là me va bien. (Toucy, 3000 habitants, capitale de La Puisaye, patrie de Pierre Larousse, une librairie.) Être – une fois dans sa vie – devant Saint-Exupery et Les Bidochons réunis.
L’éditeur mauvais payeur [syndrome de]
“Le métier des lettres est tout de même le seul où l’on puisse sans ridicule ne pas gagner d’argent.”
Journal de Jules Renard, 1905-1910
Ayant cité Renard, on n’a pas tout dit, tant s’en faut. Cette faculté de l’écrivain à ne point gagner d’argent tient aussi à ce curieux syndrome frappant le monde de l’édition ; j’ai nommé le “syndrome de l’éditeur mauvais payeur”…
Le syndrome, donc, à peu près celui-ci : l’auteur sera payé – au mieux ! – de ses premières ventes. Tôt ou tard, les relevés de droits ne seront pas/plus envoyés. Si – réclamation oblige – ils finissent par être communiqués, ils resteront impayés… (Plus qu’un syndrome, une pratique ! un usage !)
Certes, l’éditeur mauvais payeur encourt les tribunaux. Selon une constante jurisprudence, il y sera condamné. Mais, les tribunaux, encore faut-il qu’on l’y traîne. Pour retarder l’échéance, l’éditeur mauvais payeur ne manque généralement pas de proposer à l’auteur un tacite marché de dupes : certes, pas une thune, plus un radis, et foin d’artiche… mais qu’est cela en regard de la reconnaissance sociale inhérente à la publication, au statut d’écrivain ?… Allons, un peu de sérieux, l’auteur ! Ne comprenez-vous pas, Œdipe petit pied, qu’à réclamer vos droits c’est le père que vous assassineriez ? Cette branche qui vous fait séant, iriez-vous la scier ?…
L’esclavage a beau avoir été aboli voilà deux siècles (décret n°2262 de la Convention nationale du 16 Pluviôse, an II de la République française, une & indivisible), sur la foi d’une simple promesse – être de nouveau publiés –, bien des auteurs accepteront cette forme de travail non rémunéré. (Pas moins rémunérateur – ô combien ! – pour l’éditeur mauvais payeur.)
La chanson est connue, et je serais mal placé pour prétendre en ignorer les couplets…
“Il n’est pas d’ego qui résiste à l’odeur de l’encre fraîche…”
Les testicules alimentaires, Renaud Marhic, Hématomes Crochus n°13, août 2003
Il n’empêche… À m’être égaré chez un mauvais payeur, je fais aujourd’hui, à mon tour, les frais du syndrome. (Moins que d’autres, il est vrai…)
Que s’est-il passé ?… L’apprenti sorcier a succombé sous les assauts des dupes susmentionnées, un jour lassées du marché : auteurs désenchantés à force d’impayés, transformés – mauvaise magie ! – en créanciers déterminés… Bien sûr, les “messages personnels” égrainés sur ce site au cours des mois écoulés n’y auront rien changé. Depuis belle lurette, le roi était nu… bluffeur patelin ignorant des rires, des pieds de nez qui se multipliaient dans son dos… inconscient des événements en cataracte l’obligeant, peu à peu, à révéler sa véritable nature… indifférent aux avertissements de mes Lutins (merci Bug)… croyant pouvoir s’opposer à la loi… (Que croyez-vous qu’il arrivât ?… ce fut la loi qui triompha…)
Après cinq ans de “traitement de faveur” (on me payait, moi, l’auteur qui ne transigerait pas…), je dois moi aussi passer par pertes et profits quelques milliers d’euros, oublier cinq années d’efforts éditoriaux, et m’accommoder de la disparition d’une partie conséquente de mon œuvre dispersée au hasard des soldeurs… (Mes Lutins, eux, rigolent – ravis de s’en aller, à p’tits prix, infester d’autres foyers.)
À ce stade, il fait beau citer Kipling… Sauf qu’à rebâtir sans un mot, je n’ai pas attendu de voir détruit l’œuvre de ma vie. Tandis que la galère prenait l’eau de toute part, que bruissait la révolte des rameurs, en soute, je travaillais d’arrache-pied à ce radeau bientôt à la mer. Quand enfin sombra la galère, déjà avais-je atteint d’autres terres…
Pour épilogue au naufrage, me reviennent mes 17 ans. Au café des copains, un soir, l’un de nous – musicien, dessinateur (il sera le premier à se ranger loin de toute carrière artistique…) –, celui-là, donc, m’avait caricaturé dans une posture trahissant mon actualité du moment. Où l’on peut me voir – sur fond d’espace intersidéral – occupé à changer de planète… (Mon univers était alors celui de la “radio libre” ; d’autres marchés de dupes y avaient force de loi, bien entendu.) Mâchoires serrées, je vais mon nouveau chemin – en toute détermination ; à bon entendeur… Punaisée au mur de mon bureau, elle n’en a plus bougé depuis, cette caricature. La contemplant un quart de siècle plus tard, me dis que je n’ai pas tant vieilli.